
Spectacle en salle pour adolescent·es (et un peu plus)
À la recherche du flow est un récit-concert et une expérience cinématographique racontés par une narratrice présente sur scène et protagoniste de la fiction qu’elle raconte.
Le spectacle prend la forme d’une (en)quête et mêle 3 niveaux de narration, chacun possède son propre support artistique :
1. Il y a la narratrice sur scène, Diane, qui par hasard retombe sur les traces de son passé qui poussent à retourner à D*** le lieu de son adolescence. À la recherche de qui ? À la recherche de quoi ? Sur scène Diane nous fait partager son passé qu’elle montre, qu’elle commente, vieilles photos, vieilles cassettes audio, visages de la bande d’amis, voix, rires… Diane, sous son abribus, ramène au jour des vestiges comme on ouvre une valise oubliée dans un grenier, elle met le public dans la confidence, construit avec lui une relation intime.
2. Il y a des traces du passé de la narratrice, traces d’amours et d’amitiés passées, de skate aussi, d’une vie au dehors, d’intensités. Ces traces prennent la forme de photos, archives sonores, échanges SMS avec des ami·es dont Diane a perdu la trace et d’autres avec qui elle maintient des liens. Ces traces sont au départ les éléments d’une quête nostalgique mais vont être le prétexte pour renouer avec un présent, une densité relationnelle et existentielle.
3. Il y a un film qui annonce la rencontre avec un bande de jeunes skateuses. Le passé et les échanges à distance alors se dissolvent, l’univers virtuel est happé par la joie du dehors, l’énergie adolescente, les débordements, la pluie et le vent. Le film plonge dans cette vie adolescente qui se déploie dehors, où les planches de skate ne sont jamais loin, où les rires résonnent entre des conversations sur le sens de la vie et les premiers émois.
Diane, son passé et les jeunes skateuses conversent, et la narration souvent se passe de mots pour dire cette rencontre entre une jeune femme de 30 ans et des adolescentes de 15, entre un hier qui n’a pas forcément de leçon à donner et un aujourd’hui qui rugit et trouble les frontières (des générations, du genre, du fréquentable…).
Ces 3 dimensions prennent sens grâce à une bande son jouée sur scène et la présence d’un musicien, Jesse Lucas, qui accompagne Diane, la soutient : musiques, voix, bruits d’ambiance (roulement des skates, crépitement d’un brasero, ressac des vagues sur la roche) tissent un fil qui relient les 3 univers. Ce qui fait lien c’est la quête de Diane, présente dans les 3 dimensions de la narration, et le travail musical et sonore qui, sans s’annoncer, transforme des bruits en rythmes, des conversations chuchotées en musique, permet de passer d’un registre de narration à un autre.
Le spectacle souhaite questionner et faire questionner sur plusieurs thématiques de notre temps : l’adolescence et la question du genre / les mondes réel et virtuel / la vie au dehors, ré-ensauvagée / la place des corps. Ces thématiques ne sont jamais abordées sous forme de discours ou d’approches didactiques, elles le sont par la pratique du skate de rue – pratique poétique, artistique, qui laisse les corps parler, qui se frotte à la matière, aux éléments.
Adolescence et skate, cela signifie moments d’intimité et moments d’intensité – de folie parfois. Le spectacle, sa trame narrative, sa mise en scène et le travail sonore et musical s’attèlent à rendre la puissance de cet univers et à y embarquer les spectateurs-trices.
Le spectacle offre une expérience du réel : la friction des roues sur l’asphalte, la pluie qui frappe sur l’abribus, l’intensité de rencontres, la plongée dans des discussions intimes. Réel renforcé par la présence de Diane sur scène, dans ou à proximité d’un abribus positionné sur scène – personnage central aussi bien du film que de l’espace scénique, à la fois refuge et boîte à musique, lieu du dehors et d’intimité.
Esthétiquement le projet fait le choix du grain (celui qui rappelle l’argentique, la caméra 16 mm), du granuleux, de la matière et de sa texture pour faire sentir les éléments et les sentiments. Pour donner à penser aussi l’univers qui est souvent le nôtre : lisse, propre, bien éclairé, confiné. Le choix de la ville de Douarnenez comme lieu de tournage n’est pas étranger à cette volonté de faire ressentir la matière, le passage du temps et des éléments sur toute chose – friches, rouille, usure, mais aussi intensité lumineuse après la pluie.

Festival « Surf & Skate », l’Estran (Guidel 2023)