ÉCOUTER

Prendre la mesure de notre époque, sentir les vents qui la traversent exige davantage qu’une cabine de pilotage car les instruments de mesure se limitent à offrir des indications de vitesse et de direction. Ils ne disent rien de l’air qu’on respire, du goût des embruns sur les lèvres, de l’amertume ou de la joie qui s’y dépose.
Être sur le pont pour regarder, écouter, sentir ce qui circule à l’air libre ou souterrainement, ce qui se joue autour d’une table de cuisine, ce qui court le long des fibres optiques et vient s’échouer sur nos écrans. Que font ces vents et ces courants ? Que viennent-ils éroder de ce qui existe ? Quels nouveaux paysages fabriquent-ils ? Fréquenter le dehors, se laisser porter par les vents c’est rencontrer l’insolite, l’inconnu, l’étranger. C’est échapper aux cercles connus et aux visages familiers pour se laisser surprendre, se confronter à ce qui ne va pas de soi.
CRÉER

Se faire écho du monde qui bruisse et scintille de mouvements désordonnés. Créer sans vouloir homogénéiser le disparate, assumer la polyphonie des voix qui peuplent le monde, rendre compte du désordre, se refuser d’ordonner.
Nos créations laissent les portes et les fenêtres ouvertes, n’enferment ni les êtres ni les choses ni les pensées. Elles invitent chacune et chacun à s’interroger, à le faire de manière singulière, à suivre son propre chemin, à échafauder ses propres questionnements. Permettre de légers écarts, esthétiques & philosophiques, en laissant libre cours au travail de celui ou celle qui regarde, écoute, ressent et pense.
La variété des sujets qui nous inspirent nécessite une variété des supports de création capable de faire écho à la polyphonie des voix, à leur variation d’intensité – celles qu’on entend à plein volume et les autres, chuchotées, à peine audibles.
Musique électronique et instrumentale ; sons collectés, mixés, musicalisés ; images fixes et animées ; films documentaires servant la fiction, et fiction nourrissant le réel ; supports électroniques et décors bricolés ; paroles collectées et textes écrits ; formes cinématographiques et formes théâtralisées. Mixer l’ensemble de ces techniques et pratiques artistiques, sampler le réel, le fictionner.
REPRÉSENTER

Nous concevons des spectacles nomades et tout-terrain, des spectacles du dehors qui ne signifient pas nécessairement spectacles de rue. Ne pas enfermer signifie aussi ne pas s’enfermer.
Dans les univers métropolitains, dans les petites villes, les bourgs, les zones rurales, les espaces délaissés nous ne nous interdisons aucun espace où nous produire et jouer : les salles de spectacle évidemment, mais aussi la rue, les places publiques, les cours d’école, les préaux de collège, les halls d’immeubles, les hangars, les granges, les arrêts de bus.
Nous nous produisons là où sont les gens, auprès de celles et ceux qui n’ont pas l’opportunité de fréquenter des salles de spectacle. Nous nous autorisons à déborder sur les réseaux sociaux numériques, à en utiliser certains codes, à en délaisser d’autres. Le vent ne connaît pas de frontière, il les traverse.
UNE CERTAINE MANIÈRE DE FAIRE

Nous bricolons des histoires et des manières de les raconter. Bricoler c’est faire avec les moyens du bord. Il ne s’agit pas de construire un monde à notre image, mais d’aménager et réaménager à partir de l’existant. Regarder ce qui existe est souvent d’un grand secours : personnes, collectifs, savoir-faire, matériaux, matériels, lieux, projets, idées…
L’existant ce sont les matériaux à notre disposition, les moyens dont nous disposons et surtout l’ensemble des relations qui nous permettent de créer, confectionner, représenter. L’écologie est cette économie de moyen et ces relations qui nous invitent à prendre tel chemin plutôt qu’un autre.
C’est une manière d’habiter le monde qui recherche un maximum de diversité, depuis le collectage de ce qui nous nourrit, jusqu’aux lieux de représentation, en passant par les personnes que nous souhaitons toucher-affecter.